Pour un médiateur scientifique (ou pour un professeur) c’est toujours un peu délicat de s’aventurer dans un thème qui n’est pas sa spécialité. Mais un médiateur souvent n’est pas un spécialiste, sauf en médiation et communication justement ! Mes premier pas avec des animations de mathématiques, au secours !

J’ai toujours aimé les maths. En primaire, au collège et au lycée je m’en suis toujours bien sortie. On n’était pas beaucoup à s’en sortir. Mon prof de maths d’ailleurs, m’en a témoigné, avec une belle phrase machiste. Etant donné le faible niveau de mes camarades, il a sorti : « Les filles, sauf Ludmilla, allez tricoter ! ». Adolescente, je ne savais pas si je devais être fière ou me sentir humiliée.

En Italie, au lycée, les maths et la physique sont enseignées par le même professeur, diplômé en physique ou en mathématiques. Mon prof, diplômé en physique, était obligé à contrecœur d’enseigner aussi les maths…imaginez l’enthousiasme.

À la fac (biologie) j’ai un peu plus galéré pour passer les 3 examens de maths (notamment la statistique! voir mon article sur ça), mais ça n’a pas changé mon idée des maths comme étant une matière faite d’exercices excitants. Si on a bien suivi les règles et enchaîné le raisonnement logique, il n’y a pas de mystère, on trouve le résultat. J’adore ! Par contre je n’avais aucune idée de l’application pratique de ce que j’étudiais.

Une fois finies les études, je n’y ai plus pensé. Mes lectures et mes autoformations portaient plutôt sur l’évolution, l’écologie, la zoologie et autres. J’ai un peu développé, ensuite, mes connaissances dans des sujets autres que les sciences naturelles : physique, robotique, etc. Mes animations, pourtant assez variées, n’avaient jamais touché les maths.

J’ai commencé à en avoir envie. Je voyais sur internet et dans des manifestations type Fête de la Science ou Salon des jeux mathématiques, des animations étonnantes et amusantes. Mais j’avais peur de ne pas être à la hauteur.

Nombres pyramidaux carrés

J’ai commencé timidement avec les nombres pyramidaux carrés pendant une animation sur la cristallographie. C’était pour expliquer l’empilement des atomes dans un cristal. Pour compter combien de boules formaient une pyramide à base carrée, j’ai amené les enfants à comprendre qu’à chaque « étage » de la pyramide, il y avait un nombre carré (pas évident à l’école primaire).

La Tour de Hanoï

Puis j’ai fabriqué le fameux jouet Tour de Hanoï. Les règles du jeu sont faciles : on empile trois disques, ou plus, de diamètres différents sur une tige pour former une tour (chaque disque représente un étage). Il faut déplacer la tour sur un autre bâton en déplaçant un disque à la fois et sans jamais poser un disque plus large sur un disque plus plus petit.

Ce que j’aime dans ce jeu, c’est qu’on fait des maths sans calculs et sans nombres. C’est l’aspect logique, d’ailleurs, qui plaît beaucoup aux enfants. Mais je suis même arrivée à expliquer à quelques enfants de 10 ans (très motivés il faut dire) la formule qui prévoit le nombre minimal de déplacements possibles. Si n est le nombre de disques, le nombre de déplacements minimaux x est :

Mathémagique

Certains enfants semblaient s’accrocher, alors j’ai proposé des tours de magie avec les maths. J’en ai trouvé de beaux sur le site de Thérèse Eveilleau. Dommage pour l’interface graphique un peu vieillotte, sinon le site est très complet et fourni. Il y a presque toujours les solutions et plein de ressources à télécharger. Merci à Thérèse !

Des maths sur Youtube

Evidemment dans mes recherches en ligne je suis tombée sur les vidéos du youtuber Micmaths, le garçon qui a fait aimer les maths même aux lycéens ! J’ai aussi eu l’occasion de le connaître à un apéro entre médiateurs. De fil en aiguille je me suis retrouvée à une (peut-être l’unique) formation sur la mise en oeuvre d’ateliers de jeux et de culture mathématiques, tenue par lui.

Nombres premiers et Lego

Je ne peux pas raconter tout ce que j’ai appris ! Je peux choisir, par exemple, de parler d’une animation simple et sympa que j’ai déjà testée avec un groupe d’enfants. Le but est de faire comprendre ce qu’est un nombre premier en jouant, donc sans avoir l’impression d’être à l’école. On demande aux enfants de construire des bâtiments en Lego avec quelques contraintes :

• chaque étage a la hauteur d’un Lego
• c’est interdit de faire un immeuble d’un seul Lego de largeur
• l’immeuble doit être symétrique

Les enfants se rendent compte vite qu’avec certains nombres ce n’est pas possible et commencent à deviner, de façon empirique, lequel sera le prochain nombre « impossible ». Ils ont découvert les nombres premiers.

De la gym pour le cerveau 

En même temps, côté italien, j’ai eu le plaisir de connaître Giovanni Filocamo, mathématicien et médiateur scientifique, auteur de livres et co-créateur de  MateFitness. Ce gros projet né en 2006 à Gênes (Italie), a l’objectif de promouvoir les maths à travers le jeu et l’approche inter-disciplinaire. En 2011 MateFitness a été primé par Google comme une des organisations en train de changer le monde. Le projet a obtenu un financement de 100.000 dollars. MateFitness a l’intention de se répandre et  va peut-être arriver aussi en France.

La chose intéressante, du point de vue d’un médiateur, est que le site, bientôt en anglais aussi, permet aux animateurs d’accéder aux documents et aux explications. Des formations sont également organisées.

Je signale également le site de vulgarisation des maths Maddmaths! un projet italien de la SIMAI (Società Italiana di Matematica Applicata e Industriale) maintenant disponible aussi en français.

C’était vraiment l’année des maths pour moi. J’ai aussi assisté à deux conférences gratuites de Cédric Villani, Médaille Fields 2010 : « Des triangles, des gaz, des prix et des hommes » et « Les mathématiques de la chauve-souris ». Un joyeux mélange de thèmes mathématiques par un conférencier qui enlève et remet continuellement ses chaussures lorsqu’il parle.

Cédric Villani est aussi le directeur de l’Institut de recherches mathématiques Henri Poincaré qui ouvrira en 2018 à Paris….le Musée des Mathématiques.

Enfin, c’est bien de diffuser les maths, mais à quoi servent-elles ? Vous pouvez trouver 100 réponses dans le blog Choux Romanesco, Vache qui rit et Intégrales curvilignes, ou voir cette vidéo  pleine d’humour d’Eduardo Saenz de Cabezon.