Un bon guide de vulgarisation scientifique à destination de chercheurs et ingénieurs par Cécile Michaut, journaliste et formatrice.
Nous qui travaillons dans le milieu de la vulgarisation et/ou médiation scientifique depuis plusieurs années, assistons aujourd’hui avec plaisir à la multiplication des événements de culture scientifique. À côté des initiatives plus « anciennes », comme la Fête de la Science (1991), le Bar des Sciences (2000 pour le bar de Paris), la Nuit Européenne des Chercheurs (2005) et Famelab (2005), on salue la naissance, par exemple, de Pint of Science (2012), Ma thèse en 180 secondes (2012), Lyon Sciences (2016), etc.
Des nouveaux types de vulgarisateurs arrivent et s’associent. Le Café des Sciences, communauté de blogueurs francophones qui fête cette année ses 10 ans, inclut les speakers de Podcast Sciences (2010), les dessinateurs de BD de Strip Science (2011) et les youtubers de VideoSciences (2014).
Les métiers de la vulgarisation (médiateurs, journalistes scientifiques, vidéastes, etc.) se développent en attirant un nombre croissant de personnes.
Eh bien, ce ne sont pas des métier qui s’improvisent, même si on peut apprendre en les faisant et on n’a pas besoin d’un diplôme comme les chirurgiens pour exercer. Comme formation initiale existent désormais différents masters. On commence aussi à trouver des formations à la vulgarisation scientifique pour doctorants, étudiants et même pour lycéens. Enfin, en 2016 est né l’Ecole de la médiation, dédiée à la formation continue.
« Vulgarisation scientifique, mode d’emploi », le livre
Malgré tout ça, étonnamment, il n’y avait pas encore eu, en France, un livre qui parlait de la vulgarisation scientifique. Du moins un livre sous forme de guide. Donc bravo à Cécile Michaut qui, en 2014, en a écrit un. (Je ne peux pas ne pas citer le l’excellent livre du québécois Pascal Lapointe Guide de vulgarisation qui était sorti bien avant)
De formation chimiste, après quelques années de recherche et d’enseignement, Cécile Michaut devient journaliste scientifique. Elle a la possibilité, donc, de voir le rapport science/société depuis différents points de vue et elle voit que quelque chose cloche. Par exemple le difficile rapport qui peut s’instaurer, parfois, entre un chercheur et le journaliste qui l’interviewe. Ces deux métiers ne parlent pas le même langage et ça peut engendrer de la méfiance. Pour Cécile Michaut il faut qu’ils apprennent à travailler ensemble, ça peut porter à des collaboration fertiles.
Pour mettre à profit son expérience et son expertise, en 2005 elle passe à la formation en créant l’agence Sciences et partage. Son livre publié par les Editions EDP Sciences, reflète sans doute son expérience.
Elle s’adresse à une partie de ce monde : les chercheurs et les ingénieurs qui veulent vulgariser comme complément à leur métier. Dans le livre on trouve, d’ailleurs, plusieurs portraits de chercheurs/vulgarisateurs renommés : Cédric Villani, Julien Broboff, Catherine Vidal, Étienne Klein, etc.
Le livre est divisé en 5 chapitres :
- Pourquoi vulgariser ?
- Les différentes formes de vulgarisation
- Comment vulgariser ?
- Ce n’est pas tout à fait de la vulgarisation, mais…
- Monter son projet de vulgarisation
Quelles sont les choses qu’il faut retenir de ce livre ?
- Que la vulgarisation, aujourd’hui, est un enjeu majeur de la societé
- Que faire de la vulgarisation c’est créatif, amusant et ça enrichit les pratiques de qui la fait
- Qu’il y a plusieurs média et mille façons pour vulgariser
- Que la vulgarisation s’apprend
J’ai particulièrement apprécié la partie dans laquelle Cécile Michaut explique la différence entre vulgarisation, médiation, communication. Il y a souvent confusion sur ça. Même les personnes du milieu professionnel ne sont pas toutes d’accord sur les définitions. Déjà ça serait bien de reconnaître que derrière des métiers qui semblent se ressembler (journaliste, médiateur, conférencier, chargé de communication scientifique) il y a des différences non négligeables.
Une observation personnelle
Moi j’ai travaillé presque 20 ans comme médiatrice scientifique face au public, notamment avec les non initiés, les éloignés de la culture (scientifique) ou les très jeunes. Ce livre parle de l’autre face de la vulgarisation scientifique, celle faite directement par les chercheurs, principalement avec un public amateur de sciences qui va aux conférences ou écoute les émissions de radio.
Mon ressenti est qu’il y a un fossé entre les chercheurs qui font de la vulgarisation scientifique et les professionnels de la médiation scientifique qui interviennent tous les jours dans les écoles, dans les manifestations de rue ou dans les centres sociaux des cités. Comme le dit Cécile Michaut, dans les milieux académiques il y a parfois de la méfiance envers les scientifiques qui veulent vulgariser. Mais il y en a aussi de la part de certains d’entre eux envers les médiateurs scientifiques. Cela serait bien que ces deux mondes se rencontrent plus souvent, se connaissent et échangent.
Pour aller plus loin
Formation « Communiquer les sciences à l’écrit » par l’association Paris Montagne
Le blog de l’Unité d’Enseignement Culture Biologique Numérique de l’Université Paris Diderot
Les youtubers scientifiques selon Alexandre Moatti sur Sciences de comptoir
Une autre critique du livre par le médiateur scientifique et blogueur Sirtin
Utile et nécessaire.